jeudi 3 septembre 2015

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   ITW - Atelier Ciseaux 
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Cette chose qui est moi a connu Rémi Lafitte, le fondateur d'Atelier Ciseaux quand je suis venu lui demander conseil pour commencer mon (simulacre de) label. C'était la meilleure personne vers qui se tourner pour ça.

Après 2 ans d'échanges j'ai voulu lui poser quelques questions. Atelier Ciseaux est un label qui est souvent sollicité pour l'exercice de l'interview, et c'est pas pour rien. Son identité particulière qui ressort à travers la diversité des sorties dénote d'un projet dont l'originalité semble représentative d'une façon de faire un label avec ses deux mains juste après la massification d'internet.

Rémi et Philippe l'autre moitié du label se sont confronté à ce tas de questions posées assez en vrac et de manière plus ou moins à côté de la plaque tournante du micro-onde. Ce sont ci-dessous leurs vaillantes réponses sur ce qu'est Atelier Ciseaux.


Atelier Ciseaux, interview juillet 2015/
http://atelierciseaux.com

Alors tout d’abord j’aimerai si tu le veux qu’on revienne sur cette partie de gestation du label, avant que tu ne te lances dedans. Le hardcore, qu’est-ce que ça a représenté pour toi et que ça continue de représenter ? Le skate, qu’est-ce que tu y as trouvé qui continue d’alimenter ta démarche ? La Drôme ? Se déplacer pour aller chercher la musique qu’on aime. La boîte aux lettres est-elle suffisante ou il faut un jour aller voir par soi-même ?

R. : Les fanzines, les distros, le "Fais le toi même", devenir acteur et pas uniquement spectateur. Voilà à quoi je résumerais le punk/ hardcore hors aspect musical. Découvrir ce mouvement m'a avant tout donné confiance en moi, m'a pas permis de me dire "Ok, si tu veux le faire, vas y !". Aujourd'hui, je m'intéresse beaucoup plus aux origines de ces courants qu'à leur actualité.
La skate a été ma première véritable passion, celle que j'ai vécu à 200 % jusqu'à la "mort" physique. Aujourd'hui, c'est devenu un sport comme un autre mais dans les années 90, quand je skatais, l' aspects social, voir marginal était beaucoup plus important. Trainer dans les rues avec les autres, s'approprier la ville, croiser, côtoyer d'autres "espèces humaines"... se sentir libre. J'avais cette impression d'appartenir à quelque chose d'unique ! Et puis il y avait toute une culture autour de la planche à roulette et particulièrement au niveau musical. Je me suis également beaucoup retrouvé la dedans.
La Drôme ! Dans ma ville, à l’exception d'un petit disquaire (qui a fermé assez rapidement), nous n’avions pas accès à grand chose. On s’échangeait des cassettes, on lisait des magazines comme Rocksound, Rage ou Hard Force et on se tapait souvent un paquet de bornes en mobylette le long de la voie rapide pour se rendre, le jour de la sortie d’un album, dans la ville voisine un peu plus grande. Le pire c’est que nous rentrions souvent bredouilles. On était motivé et c'est là où j'ai commencé comprendre l'importance que la musique aurait dans ma vie.
Je crois que chacun de ces "points" ont eu un rôle plus ou moins important dans la construction du label...

On a l’impression qu’AC est un label d’objet soignés, pourtant le message qui transpire de toute ces sorties mises bout à bout ne semble vraiment pas matériel ou matérialiste. Tu dis ne pas être attaché à un support en particulier et il en ressort que tu cherches à faire passer quelque chose d’un peu indescriptible, une manière de faire. Est-ce que tu as beaucoup réfléchi à une façon d’être accessible ou est-ce que c’est venu naturellement en fonction de tes précédents engagements ?

R. : Je n'ai jamais été un collectionneur acharné et j'ai clairement du mal à comprendre cette frénésie spéculative pour un bout de plastique ou de vinyle. Je suis très attaché à l'objet, j'ai grandi avec et j'ai envie de continuer à le défendre mais ce n'est, au final, "qu'un" support.
Ce que je veux dire, c'est que pour moi le plus important reste la manière dont tu sors ces disques. Ces derniers temps, j'ai l'impression que le fait de faire du vinyle ou de la cassette te procure une espèce de crédibilité indépendante mais le format n'est pas un discours, c'est juste le papier...
On tient absolument à ce que nos disques restent, au niveau du prix, accessibles à tous et si le vinyle ne nous le permettait plus alors on se tournerait vers d'autres formats. Ce serait triste mais ce n'est pas ce qui compte le plus.
Bien sûr, on adore et on tient également à avoir des pressages soignés mais en toute sincérité, ce n'est pas la première chose que j'aimerais qu'on retienne à propos du label. Pour moi, mener un projet comme AC c'est avant tout une question de passion et de sincérité. J'espère -en toute simplicité- que le label donnera envie à d'autres de se lancer. Peu importe qui tu es et/ ou d'où tu viens. A mes yeux, cela à beaucoup plus d'importance qu'une collection de vinyles aux artworks compliqués qui prend la poussière sur une étagère.

Pop comme populaire ?

R. : Pop comme pop-tarts...

Pourquoi est-ce que ce serait important d’éviter de favoriser l’élitisme (de prix ou qui se cache derrière une complexité artificielle) ?

P. Ce n’est pas une démarche consciente, c’est juste une réflexion de ce que nous sommes, quant à dire si c’est important, j’aurais tendance à dire qu’on s’en fout un peu, l’élitisme n’est pas intrinsèquement une mauvais chose (dans le sens où ça peut aller de pair avec une certaine exigence), c’est plus une posture qui ne nous correspond pas forcément. Je dirais qu’on ne cherche pas à donner une fausse image de nous-même pour paraitre ‘mieux’.

Les uniformes mentaux, le risque est toujours là de basculer dans le bas du front ou dans l’angle obtus de l’esprit. Comment Atelier Ciseaux a cherché à s’en défendre jusque-là et comment tu en es arrivé à prendre conscience de ce danger ?

R. Ce n'est pas un mécanisme d'(auto)défense, Atelier Ciseaux est en quelque sorte notre terrain vague où nous traînons par plaisir et envie. Nous avons la possibilité d'y faire ce que nous voulons, alors pourquoi s'en priver ?
Les décisions, le fonctionnement du label sont très spontanés. Le réel "danger" pour nous ce serait justement de suivre une quelconque ligne déjà tracée. Ce serait probablement ennuyeux et frustrant !
La seule chose que nous nous sommes imposés c'est de ne justement rien nous imposer. Nous sommes partis sans réel plan ni boussole, on connait le point de départ mais pas celui d'arrivée.
On nous parle souvent de la diversité de notre catalogue, c'est vrai qu'il y a une certaine ouverture mais c'est tout simplement parce qu'elle correspond à ce que nous écoutons.

Quelles nouvelles difficultés rencontres-tu ou rencontrez-vous avec le temps alors que l’Atelier va sur l'age de raison (note de l'éditeur : désolé) ?

R. : L'âge de raison ? On le célébrera quand on aura décidé de tout arrêter !
P. : L’âge de raison, ha ha, je crois qu’on est et qu’on restera un label adolescent, ce n’est pas quelque chose de prémédité, comme le disait Rémi on a un fonctionnement très spontané, le jour où l’on devra devenir ‘adulte’, où l’on perdra cette spontanéité, on arrêtera.
R. : Le vrai problème, ces derniers temps, c'est ce retour du vinyle dont on a tant parlé. C'est paradoxal car ce qui devrait nous aider est en fait en train de nous nuire considérablement. Les majors s'y re-mettent, tout le monde veut faire du vinyle. Les conséquences ? La saturation des usines, l’augmentation des prix, du minimum de copies et bien sur des délais. Aujourd'hui, certaines usines refusent même les pressages en dessous de 500 exemplaires ce qui n'était pas le cas l'année dernière.
Je pense que 2015 et 2016 vont être des années assez cruciales à ce niveau là ! Y a qu'à voir comment les prix de certains disques ont augmentés...
P. : Ça devient un problème majeur pour nous, et à terme ça pourrait nous amener à ne plus sortir de vinyle (ou à carrément arrêter) ou à favoriser d’autres formats (on sort déjà de plus en plus de tapes), essentiellement par manque de moyen.
R. : Et puis on arrive bientôt à un seuil de saturation mental... Tellement de nouvelles choses, d’informations tous les jours, à toute heure. Solliciter pour ceci ou cela, pour filer de la thune à des crowdfunding aux airs de téléthon...
Et puis au bout de -bientôt- 7 ans, il y a certains moments de doute, de fatigue, de frustrations ! J'imagine que c'est normal, nous ne sommes pas des robots...

Dans un monde où TOUT serait possible, comment est-ce que tu présenterais ou propagerais la musique d’Atelier Ciseaux si je te le demande comme ça maintenant ?

R. : Dans ce monde fantasmé où tout serait possible, on pourrait imaginer que la Poste n'existerait plus et qu'elle serait remplacée par un système de téléportation gratuite pour les objets.
Les frais de port sont devenus tellement exorbitants que cela en devient ridicule. C'est totalement fou de voir que ces frais sont presque aussi élevés que le prix de vente du disque...

Si tu pouvais imaginer faire autre chose que le label, tu as une idée de ce que tu ferais à la place (ndlr : désolé encore) ?

R. : Ca me rappelle de mauvais souvenirs dans le bureau de la conseillère du CIO !
Il y a quelques années, j'ai vu un très chouette documentaire qui m'a marqué. Au Kenya, un spécialiste des éléphants a créé un refuge pour éléphanteaux orphelins. "Leurs mères" de substitutions(des humains !) les aident à se préparer pour leur retour à la vie sauvage. Je pense souvent à ce doc en me disant que c'est quelque chose que j'aurais aimé faire...

Des disques ou des cassettes en particulier que tu as pu chercher à imiter, auxquels faire des clins d’œil ou qui t’ont guidés dans tes choix ?

R. : Je me souviens de la première fois où j'ai vu un disque de Minor Threat sur lequel il était écrit au back : "This record is 3,50 dollars post paid. Why paid more ?" Je me suis dit "Wow !", je ne connaissais pas très bien cet esprit DIY et j'ai commencé à m'y intéresser de plus près !
Il n'y pas de référence cachée ou de clin d'oeil chez AC mais je pense que cela reste une référence dans la démarche...

J’ai tilté [ndlr : rajouter gif de quelqu'un avec le cosmos qui lui passe à travers l'oeil] quand dans une interview*, tu disais qu’il y avait un côté archivage d’internet dans ta démarche. Pour au cas où internet s’effondrerai, avoir une trace après la disparition.

R. : Hum... je ne sais pas de quelle interview tu parles mais je ne pense pas avoir parlé d'"archivage d'internet"... ou alors je me suis mal exprimé !
Sortir des objets c'est également garder une trace d'un moment, des souvenirs, qu'ils soient personnels ou qu'ils appartiennent à la mémoire collective.
Je suis sans doute "old fashioned" mais pour moi internet sert à stocker, diffuser de la musique qui existe avant tout sur support physique. Et pas l'inverse même si cela arrive. Je ne sais pas si je suis très clair mais je suis plutôt dans cette logique.
Comme beaucoup, nous avons été contacté par la BNF pour y déposer nos disques. Je me sens un peu mal à l'aise face à cette démarche même si je la trouve intéressante et sans doute nécessaire. Il est peut-être un peu tôt, le label vit encore, on aura le temps de penser à ce qui s'est passé plus tard.

Est-ce qu’il y a des façons d’utiliser internet que tu regrettes, qui actuellement te gêne ou des façons que tu aimerais voir apparaître ?

R. : Ce qui me gène parfois avec internet c'est cette propagation des avis, ce besoin récurrent de donner son opinion sur tout et n'importe quoi, de prendre position en 3 minutes 42. Comme le disait si bien ce slogan pour les frites McCain : "C'est ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus".

Si Internet disparaissait, tu continuerais le label ?

R. : Tu devrais sérieusement penser à proposer ce scénario catastrophe à Hollywood, cela ferait une bonne "survivalism-story" ! C'est intéressant car je me suis souvent posé cette question et plus particulièrement récemment lorsque le label new-yorkais, OSR Tapes, a annoncé qu'il continuait son activité en se coupant du net. L'idée est "utopiquement" belle et surtout courageuse mais je ne nous vois pas adopter une attitude aussi radicale.

P. : On est bien trop dépendants d’internet pour se permettre ça, on peut critiquer certains aspects pas très reluisants d’internet, ça reste quand même un outil de  communication et de diffusion assez incroyable.

R. : Internet est un outils indispensable pour des structures comme la nôtre. Bien sûr, il a ses côtés sombres mais il a permis de démocratiser certaines activités. Tant qu'on l'utilise à bon escient, je ne vois pas le problème. J'imagine aussi qu'il est plus simple de mener un label sans internet depuis Brooklyn que depuis le fin fond de la Drôme !

P. : Même depuis Montréal c’est tendu, tu as plus de ‘clients’ potentiels mais aussi surabondance de labels, c’est difficile de se détacher… Clairement, tu te rends compte que la grande majorité des labels de taille à peu près humaines sont hautement dépendants d’internet, l’alternative c’est de fonctionner localement - à Brooklyn ça peut fonctionner mais à Bourg-de-péage j’en doute fort.

R. : Pour répondre à ta question, je pense que nous continuerions coûte que coûte ou que tout du moins nous essayerions. Même si nous avons grandi dans un monde sans internet, ce serait quasi comme un nouveau départ...
Ce qui est certain par contre, c'est que le nombre de labels diminuerait considérablement et sans doute très rapidement.

Lenparrot, un français de nouveau, en quoi c’est différent ?

R. : Une couleur de cheveux chelou! Bien sûr, c'est plus "facile" pour se rencontrer, pour parler de vive voix qu'avec un groupe qui vit au fin fond des Appalaches. C'est peut-être, parfois, plus simple pour faire de la promo ici mais à part ça pas grand chose.

Aquoibonism ? Est-ce qu’on peut trouver de la force dans la lassitude ?

R. : A propos d'Aquoibonism, ce serait à Romain/ LENPARROT de te répondre...
De la force je ne sais pas mais cela peut être un élément déclencheur. A trop attendre, subir, on peut décider de changer les règles du jeu... mais il y a peut-être un confort difficile à quitter également dans cette lassitude !

Des endroits dans le monde qui te prennent des disques et que tu aimerais aller rencontrer.

R. : Lambersart dans le département 59 ! Pourquoi ? Parce que c'est tout simplement la dernière ville ou nous avons envoyé un disque...

Une commande improbable que vous avez reçu ?

R. : Il y a différentes sortes de commandes improbables... les "mignonnes", celles des parents ou de la famille d'un groupe. Les "rassurantes", celles qui proviennent d'un label ou d'un groupe beaucoup plus installé. Ce qui est rassurant ce n'est pas le fait de savoir que ce qu'on sort plait à un tel ou un tel mais plutôt que certains s'intéressent à ce qui se passent plus "bas". Et puis, il y a celles qui te déstabilisent comme lorsque l'adresse de livraison correspond à une chambre dans un hôpital psychiatrique...

Un disque que tu n’écoutes plus mais dont tu ne pourrais pas te séparer ?

R. : "Get a Grip" d'Aerosmith, le premier CD que j'ai acheté avec mon propre argent de poche. Un disque bourré de slows...

P. : "Closer" de Joy Division, parce que c’est la bande son de mon adolescence

Un disque auquel d’une manière ou d’une autre tu reviens toujours ?

R. :"Where you been" de Dinosaur JR ! Pour se souvenir d'où on vient sans savoir où on va !

P. : "20 Jazz Funk Greats" de Throbbing Gristle, j'ai un rapport d'attraction/répulsion assez étrange avec ce disque.

Un disque que tu ne peux écouter en faisant autre chose ?

R. : La première fois que j'écoute un disque que nous allons sortir !

C’est bon pour l’hygiène d’écouter de la musique dans la journée ?

R. : "Mangez/ écoutez au moins 5 vinyles et cassettes par jour"

Des artistes que tu ne désespères pas d’ajouter à ton catalogue.

R. Au tout début du label, j'avais noté quelques noms de groupes avec qui je voulais sortir un disque. Nous avons eu la chance d'en faire 2 ! C'était sans doute l'une des rares fois où nous avons "anticipé" quelque chose.
Aujourd'hui, on n'a pas vraiment d'attente, on aime découvrir, être surpris, ne pas trop savoir où on va !
Il y a cependant un groupe avec qui j'aimerai toujours sortir un disque : Grouper. Je lui ai déjà fait une déclaration dans Dazed and Confused et Impose Magazine. Il y a quelque chose de si fort, de si unique et touchant dans la musique de Liz Harris. C'est vrai que ce serait chouette de sortir un disque avec elle mais tant qu'elle continue à faire sa musique avec autant de passion, cela me va !

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* peut=être une extrapolation sur cette réponse dans une des interview hartzine où il est question de submersion de nouveautés par internet.

merci à Rémi et Philippe et bon vent à eux




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liens d'autres interviews & articles SITOGRAPHIE hahahôhô


http://www.hartzine.com/who-are-you-atelier-ciseaux/

http://www.hartzine.com/atelier-ciseaux/

http://www.sourdoreille.net/atelier-ciseaux-le-label-dartisans-attachants/

http://www.discordance.fr/atelier-ciseaux-67331

http://emission-electrophone.fr/tag/atelier-ciseaux/

http://emission-electrophone.fr/atelier-ciseaux-interview-et-mixtape/

http://puck-magazine.com/2012/05/atelier-ciseaux-beaucoup-plus-quun-label/

http://www.adecouvrirabsolument.com/spip.php?article6054

https://josephghosn.wordpress.com/2010/08/14/une-interview-datelier-ciseaux-une-future-perte-de-memoire-collective/

https://soundcloud.com/piiaf-officiel/marie-la-nuit-atelier-ciseaux