Blorpus Editions
Owen Gardner - Where is my hand in space ?
Où
 donc est-ce qu'Owen Gardner cherche à nous emmener ? Guitariste 
microtonal 
dans le quatuor Horse Lords, notre protagoniste laisse ici sonner les 
cordes et 
vibrer le feedback de son ampli, l'espace autour et les notes 
de ce qui semble être un orgue électrique pour décliner une approche 
fine de sa pratique. Cet assemblage réduit permet de détacher et 
surprendre sa musique de 
manière originale en dehors de la communauté de seigneurs chevaux où 
elle se déploie d'habitude tout en précisant et enrichissant la 
compréhension d'à quel endroit elle intervient dans la confection des 
tapisseries que déploient le groupe. C'est à la fois un mouvement de 
concentration et de détachement qui s'opère ici et offre à l'oreille des
 variations subtiles dont la simplicité laisse explorer leur richesse : 
un autre voyage-sans-le-déplacement que permet ce genre d'exercice. On 
dénote que la minimalité de la proposition est ce qui en fait la saveur 
et dont l'excellent mastering d'Angel Marcloid vient souligner les 
meilleures idées. Les 
tonalités marquées alternent avec ce que les jeux de cordes viennent 
isoler en vignette. Des séquences de notes comme étalées dans la 
collection d'un herbier métallique entrant en fusion et dont des pages 
auraient été extraites; ou comme des volants de badminton rebondissant 
au
 ralenti de filets en filets de raquette, et qui dessinent des danses 
élégantes
 qui pourtant ne se laissent jamais devenir illusoires en se laissant 
trop aller à l'entêtement. On peut y voir 
une façon de rechercher, tout en la déjouant, l'intensité de la matière 
ici déployée pour en appuyer la sincérité. Il est 
très intéressant d'avoir su amplifier le bruit de fond pour lui 
permettre d'être personnage à part entière. L'élusivité qui s'en dégage
 transparaît ainsi de façon assez douce sans rien céder sur ce qu'elle 
déploie d'abrasif. Les jeux de psychoacoustiques tournoyants sont 
délicieux et 
fournissent un appréciable et matériel exercice d'écoute. La
 respiration et les méditations que tous ces morceaux peuvent induire 
n'enlèvent en rien de l'excitation primordiale qu'ils suscitent.
Melon Sprout - collected ceramic memories 
Des
 sons concrets recomposés quel plaisir. collected ceramic memories de 
Melon Sprout est une autre sortie sur Blorpus Editions, un netlabel de 
Chicago né du surplus de bonnes choses à éditer observé par Max Allison 
(aka Mukqs), l'une des moitié du précieux label Hausu Mountain. Les 
manifestations de pure énergie arrangées si orchestralement dans cet 
exploration de la  harsh-noise à partir de sources céramiques (sauf la 
piste nommée "study in non-ceramics" qui vient introduire un dehors dans
 la collection) sont d'une saveur aussi directe tout en étant complexe 
que les sculptures dont elle proviennent.
Se balader en ville 
et se griser du chaos des trajectoires humaines et de leurs choses au 
son de ces triturations orchestrales qui virent vers le vénére, quel 
plaisir.
La céramique comme source a pu être aussi utilisé
 par Salomé Guillemon-Poeuf avec son déploiement sous le nom de 50 hertz
 dont les drones appuient à un endroit plus démonstratif du phénomène 
physique dans la longueur ou différemment par Vica Pacheco dans un style
 musical et un usage de la matérialité autre plus ambient. Melon Sprout 
dans cet diversité de faire se rencontrer sonne de sa voix singulière et
 on peut espérer qu'iel arrivera à rencontrer d'autres artistes qui font
 se lien, quel ensemble ce serait, quelle musique en découlerait ?
En
 ébauche de ce que cela pourrait être, cet EP naît du plaisir simple, 
ici très amplifié et processé, du son des ustensiles au contact de la 
céramique lors d'un repas par exemple. Et effectivement on se sent comme
 de la nourriture piquée et découpée en se laissant porté•e par cette 
musique. Le goût du melon qui fond dans la bouche et son évocation n'est
 pas à confondre avec Melon Musk, excellent trio abstrait liquide malin 
composé de Daniel Dariel (Csòcsò), Amédée de Murcia (Somaticae) et 
William Binta (C-Folle).
Non vraiment c'est bien plus une 
extension corporelle par voie d'argile qui se joue ici et par laquelle 
passe un rapport au corps, à la sculpture, à l'instrumentalité et au son
 par la conductivité qui est beaucoup plus agité. Un EP délicieux, une 
harsh noise ronde et généreuse, c'est tout à la fois mouillé, aiguisé, 
joueur et corrodé, quel plaisir.
Fougère Musique 
Muon S - Muon S
Après
 bientôt 3 ans d'existence mêlant claquettes amplifiées, électroniques 
modulaires ou bendées et trompette, voici couché sur bande magnétique et
 passante, une documentation de Muon S qui, en se concentrant sur son 
aspect sonique, nous permet une compréhension plus mentale de ce que ce 
duo, nous a donné à ce jour. Il faut noter, pour qui ne les a pas vu 
jouer, qu'une partie de leur expression passe largement par la danse. Bon 
alors oui la harsh-noise c'est de l'anti-musique c'est atemporel, tout 
ce que tu veux. Mais il faut ici relever la finesse de la composition. 
L'élasticité de la matière permet d'explorer plusieurs états sans jamais
 avoir le sentiment de s'attarder, par glissements, ce qui permet de 
traverser une diversité de formes et d'espaces où interagissent le sol, 
les parois et des élévations entêtantes qui rejoignent des sensations de
 masses en fusion et des frappes éclatantes. Une réalisation très 
soignée, qui comme la composante subatomique qu'évoque leur nom, nous 
amène ou ramène à l'élémentaire.
Drum Wife - Drum Wife
Drum
 Wife est un nouveau duo de Leeds, environnement du Wharf Chambers, 
composé de Liza et Hills, alias Yakkida & Soft Lizard, chacune 
active dans d'autres formations allant du rock local tel qu'il semble 
encore se pratiquer de nos jours, au Royaume-Uni aussi, à des dimensions
 abstraites de la musique diy contemporaine comme Horse For Dinner ou 
Garbage Pail Kid, leur cassette inaugurale éponyme sort sur le label 
mexicain Silencio EPI dont l'internationalité embrasse des abstractions 
allant de Vava Maudit à Torturing Nurse, et devrait paraître bientôt sur
 le label britannique Liquid Library.
Yakkida est aussi 
l'autrice de ce qu'elle présente comme des sortes de karaoké 
expérimentaux ASMR dont plusieurs m'avait marqué comme incroyables et à 
l'antithèse de ce que la notion d'éléctro-acoustique peut évoquer de 
prise de tête. Notamment la série autour de Basic Switches. Cet univers 
du karaoké viens nourrir les formes que prennent ce que nous propose 
Drum Wife et qui peut susciter un plaisir de sensations saturées qui ne 
sont pas sans rappeler des choses qu'U.S Girls à la fin des années 2000 
et au début des années 2010 a pu faire, mais sur des formats plus longs 
et jouant de l'accumulation sonore d'une manière plus étalée. Avec 
quelques jeux de saturations, de boucles et de delay, qui se saisissent 
du bourdonnement inhérent à tout rassemblement humain et notamment ayant
 lieu dans une salle des fêtes, on touche à ce que la pop abstraite diy 
peut faire de mieux, à une désorientation induite plus judicieusement 
induite encore que quand l'abstraction se dénote de façon plus marquée 
des structures musicales dominantes. Ici, si on veut traduire ça de 
manière imagée sensationnelle, le point de contact permet encore de 
marcher sur une sorte de sol lunaire mais ce sol se déforme sous chaque 
pas.
La Scie Dorée 
Anima Musica & R. Carlos Nakai - Atlantic Crossing
Limpe
 Fuchs vient de publier Pianoon chez Futura Resistenza où elle vient 
démontrer sa maîtrise et son goût de l'instrument où transparaît une 
autre face de sa pratique percussive. Utiliser le piano, instrument 
central comme vecteur de la musique dans les sociétés occidentalisées, 
permet de rattacher l'oeuvre de Fuchs non pas à un royaume de curiosité 
de l'improvisation dans laquelle une écoute superficielle risquerait à 
grand tort de la ranger, mais à une classicité en devenir et à une 
compréhension de sa musique dans ce qu'elle exprime de fondamental. 
C'est aussi le moment où la Scie Dorée réédite des sessions qu'Anima 
avaient enregistrées avec R. Carlos Nakai, envoyant un peu des 
recherches de libertés anciennes dans notre futur pour ne pas les 
oublier. Successions de moments, la musique libre dans ce qu'elle a de 
plus intéressant peut consister en des exercices de concentration, de 
méditation, d'éprouver ses sensations au moment présent et d'en 
accueillir les rythmes, les formes les plus simples. On découvre alors 
toute l'agitation dans cet appareil qui était apparu au départ si 
dépouillé. Le bourdonnement de la percussion se fait note continue et 
disparaît. Les résonances et les frottements de pierre, d'air, de bois, 
de métal et d'organes laissent voie à des effondrements salutaires de la
 conscience pour laisser évoluer notre subjectivité dans une existence 
spectrale, planant à la fois au dessus et en dedans d'une condition 
humaine dont le dénuement attire une forme de tendresse transcendée et 
permet de s'en réinvestir pleinement, de prendre espace. Après avoir été
 pétri dans son esprit et ses tympans par ces sessions, on peut souffler
 un grand coup et aller de l'avant.
AB Records & Standard In Fi
Or Or - La Pointe des Périades
On
 pouvait peut-être attendre depuis longtemps une rencontre entre 
Standard in Fi et AB records, et quelle meilleure randonnée que celle 
que nous propose Or Or pour se faire ?
Une marche de 
concentration mentale, tout en écart et en détachement, ou des trouées 
glissantes laissent couler le liquide des inquiétudes. Un verre en forme
 de tambour viens recueillir l'insouciante fuite en avant des éléments 
et les stabiliser. L'eau coule des verres vers les ventres pour irriguer
 les cellules, des extraits-collages du flux de la vie nous aident à 
appréhender les formes d'existences que la danse des séquences battantes
 et des mélodies aériennes comme des vents sur les cîmes basses ou 
hautes que ces compositions dessinent. On dirait qu'elles suivent à la 
trace ce qui ne peut se coucher par enregistrement et que leurs 
pérégrinations forment. Le creux est le plein.
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